Depuis mai 2018, le phénomène d’échouage massif d’algues sargasses est de retour aux Antilles Françaises. Quelles sont les conséquences de la décomposition de ces algues brunes? Quels gaz produisent-elles? Comment détecter et se protéger de ces gaz sargasses?
Le phénomène des algues sargasses
Les Sargasses, aussi appelées algues brunes, sont des algues évoluant en immenses bancs au gré des courants de l’atlantique (certains bancs ont été mesurés à 45 km de diamètre). Depuis 2011, l’échouage massif des algues sargasses sur les côtes caribéennes de la zone atlantique pose un véritable problème environnemental et de santé publique. Le phénomène touche les Antilles et la Guyane régulièrement. Les côtes mexicaines, la république dominicaine, Puerto Rico ou encore Cuba sont également touchés par les vagues d’algues sargasses toxiques dont les dépôts sur les plages dépassent parfois un mètre d’épaisseur.
En 2018 les algues sargasses s’échouent par dizaines de milliers de tonnes (plus de 40 0000 tonnes) sur les côtes de Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin, et même de Guyane. Les algues sargasses s’amoncellent sur les rivages, piègent certains animaux marins, bloquent l’accès des bateaux, et leur décomposition dégage du gaz toxique. Pour faire face à ces dangers un Plan Sargasses à été annoncé par le ministère de la transition écologique en juin 2018. En amont, aux Antilles Françaises, plus particulièrement en Guadeloupe et en Martinique (îles les plus touchées), depuis le début de la crise des sargasses, les collectivités territoriales et autorités locales s’organisent pour développer les premières actions: campagnes de mesures des concentrations de gaz sargasses présentes dans l’air confirmant les dangers pour la santé et l’environnement, opérations de nettoyage en fonction des zones d’habitation et des plages les plus fréquentées, ramassage des bancs de sargasses au large des côtes, etc. Les fermetures d’établissements scolaires situés près des plages en Guadeloupe, ou les nettoyages en pleine saison touristique de la plage du Diamant en Martinique, constituent les premières réponses au phénomène des sargasses qui affecte la santé des habitants, l’environnement et l’économie des territoires touchés.
Pourquoi les algues sargasses sont-elles toxiques?
Le gaz algues sargasses : sulfure d’hydrogène et ammoniac
Bien que les algues sargasses ne soient pas toxiques en elles-mêmes, une fois échouées et entrées en phase de décomposition sur les plages, elles dégagent un gaz toxique.
Le gaz émis par les algues sargasses se compose de deux éléments principaux:
- Parmi eux, le sulfure d’hydrogène (H2S) aussi appelé hydrogène sulfuré. Il s’agit d’un gaz incolore qui est naturellement présent sur terre. Il est produit par la décomposition de matières organiques et bactériennes, et peut également être produit par l’industrie. Le sulfure d’hydrogène est un gaz toxique, il a des effets néfastes sur la santé dès 10 ppm et peut entraîner la mort à de fortes concentrations.
- Les algues sargasses en décomposition, dégagent également de l’ammoniac (NH3) appelé aussi hydroxyde d’ammonium (composé d’azote (N) et hydrogène (H2)). L’ammoniac est un gaz inflammable, explosif et toxique (même à basses concentrations).
Effets du gaz des algues sargasses sur la santé
Les gaz émis par la décomposition des algues sargasses sont hautement toxiques (hydrogène sulfuré et ammoniac). Leur inhalation et l’exposition, même à de faibles concentrations, entraîne de nombreux effets sur la santé.
Les symptômes & les risques des gaz sargasses:
- Irritation des yeux (conjonctivite, gène à la lumière vive).
- Irritation des voies respiratoires (enrouement, toux, douleur thoracique).
- Troubles de la coordination
- En cas d’intoxication chronique : bronchites, irritations respiratoires et cutanées
- En cas d’intoxication aiguë : vertiges, arrêt respiratoire, arrêt cardiaque, pertes de connaissance
Par ailleurs, les personnes asthmatiques, ainsi que les jeunes enfants et les femmes enceintes sont plus sensibles aux effets de ces gaz sur leur santé. Enfin une exposition à l’hydrogène sulfuré (H2s) et à l’ammoniac (Nh3) à un certain niveau de concentration peut être létale (100 ppm pour le Nh3, 1000 ppm pour l’H2S). Le gaz sargasse émis par la décomposition des algues brunes sur les plages des Antilles peut donc constituer un véritable danger.
Comment détecter les gaz sargasses ?
Les deux principaux gaz composant les émanations d’algues sargasses en décomposition, le sulfure d’hydrogène et l’ammoniac, sont des gaz détectables à leur odeur d’œuf pourri (H2S) et acre (NH3). Cependant la perception olfactive s’atténue à mesure qu’augmentent les concentrations de gaz émises par les algues. Au-delà de 50 ppm pour le NH3 et 100 ppm pour le H2S, la perception de ces odeurs devient impossible, c’est ce qu’on appelle l’effet de sidération olfactive. Pour pallier à cela et pour mesurer avec précision les concentrations de ces gaz toxiques, l’utilisation d’un détecteur gaz dédié est indispensable.
Parmi les différents types de détecteurs gaz existants, 2 solutions sont particulièrement bien adaptées à la mesure des gaz sargasses:
- Détecteurs monogaz portables
C’est la solution la plus économique mais un peu moins pratique en comparaison de l’utilisation d’un détecteur multigaz. Pour mesurer la présence des gaz toxiques émis par les algues sargasses on utilisera donc deux détecteurs : un détecteur de sulfure d’hydrogène (H2S) accompagné d’un détecteur d’ammoniac (NH3). Le détecteur gaz jetable, comme le détecteur de gaz Senko SGT, est le plus souvent préconisé, n’ayant pas besoin d’entretien particulier ou de service de maintenance.
ou
- Détecteur multigaz portable
L’utilisation d’un seul appareil est plus pratique pour mesurer les gaz cibles. On utilise alors un détecteur multigaz muni d’une cellule NH3 et d’une cellule H2S pour évaluer les niveaux de concentration. D’autres cellules peuvent encore être rajoutées sur l’appareil, comme le CO ou le CO2 par exemple, gaz également potentiellement présent (dans une moindre mesure) dans la décomposition des algues.
Ces deux types de détecteurs, permettent de mesurer efficacement, les concentrations de gaz présentes dans l’air (en ppm) et ainsi de prévenir les dangers des algues sargasses pour les populations environnantes.
D’autres solutions comme des balises multigaz de surveillance de zone (ou balises de chantier) ou la mise en place de solutions de détection gaz fixes sont aussi disponibles mais peu utilisées pour la détection des niveaux de concentration des gaz de décomposition des algues sargasses.
Comment se protéger contre les gaz sargasses ?
Pour lutter contre les effets des émanations toxiques des algues sargasses en décomposition, les pouvoirs publics ont mis en place différentes recommandations et notamment l’interdiction, au-dessus du seuil de 5 ppm d’H2S, d’évoluer dans un secteur donné sans équipement de protection respiratoire adapté.
Les personnes évoluant dans les milieux pollués par la présence de gaz toxiques comme l’ammoniac et le sulfure d’hydrogène, doivent être équipés, en plus d’une unité de détection gaz, d’une protection respiratoire adéquate.
Les individus participant au ramassage des algues sargasse, ou à leur traitement doivent donc utiliser un masque de protection respiratoire doté de filtre type ABEK pour des interventions de courtes durées. Les émanations de gaz des algues brunes étant irritantes pour les yeux, il sera préférable d’utiliser un masque complet qui protège entièrement le visage, plutôt qu’un demi-masque.
- Pour les expositions de longues durées il est vivement conseillé d’utiliser un appareil de protection respiratoire à ventilation assistée avec cagoule ou masque doté également de filtres type ABEK.
- Si les concentrations de gaz excèdent 60 fois la VLEP (valeur limite d’exposition), un appareil respiratoire isolant sera alors impératif pour évoluer dans les zones polluées.
Image par VELY Michel [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], de Wikimedia Commons