L’anesthésie générale dite gazeuse en médecine humaine ou animale utilise divers gaz anesthésiants pouvant représenter un danger potentiel pour les praticiens et intervenants en bloc opératoire. Parmi ces substances, l’isoflurane intégré au MEOPA (mélange équimolaire oxygène protoxyde d’azote), un gaz halogéné particulièrement volatil.
L’exposition à l’isoflurane & aux gaz anesthésiants en clinique vétérinaire
Assez méconnus par la population générale, l’isoflurane est un agent anesthésique de la famille des éthers halogénés utilisé principalement en médecine animale par inhalation. C’est un gaz anesthésiant très volatil à manier précautionneusement et qui peut s’avérer dangereux pour la santé des praticiens et intervenants en cliniques vétérinaires.
L’anesthésie vétérinaire s’effectue en trois étapes : tout d’abord la phase d’induction de l’anesthésie (gaz ou intraveineuse), puis la phase de maintien de l’anesthésie via un appareil d’anesthésie gazeuse, et enfin la phase de réveil (diminution puis arrêt de l’injection gazeuse couplée avec l’administration d’antalgiques pour traiter les douleurs).
L’isoflurane, et plus précisément le MEOPA (mélange équimolaire oxygène protoxyde d’azote) intégrant l’isoflurane, est administré via un appareil d’anesthésie gazeuse. Cet équipement médical administre le mélange anesthésique tout au long de l’opération. C’est durant les deux premières phases de l’anesthésie de l’animal que le MEOPA est susceptible de provoquer une contamination de l’air ambiant. En effet les gaz anesthésiants administrés ne sont pas métabolisés, ils sont généralement expirés inchangés (à 95%) par l’animal anesthésié. La machine d’anesthésie gazeuse dispose donc d’un circuit d’évacuation de l’air chargé en isoflurane ou en gaz anesthésique. L’air expiré par le sujet anesthésié est ainsi récupéré, généralement par un masque posé sur les voies respiratoires de l’animal, et passe à travers un filtre de charbon actif bloquant les gaz nocifs, avant de se libérer dans l’air ambiant de la salle d’opération ou à l’extérieur via un circuit de ventilation.
L’exposition aux gaz anesthésiques résiduels (ou GAR) provenant du circuit d’évacuation représente un réel danger potentiel. Cependant, en amont et en aval de l’anesthésie, d’autres expositions aux agents anesthésiants volatils sont possibles : l’isoflurane et les gaz anesthésiants utilisés sont manipulés et stockés par les intervenants, multipliant les risques d’accidents.
Les dangers des gaz anesthésiants vétérinaires
Les dangers de l’isoflurane
L’isoflurane, C3H2ClF5O, (numéro CAS 26675-46-7) est un gaz anesthésique halogéné, incolore, très volatil avec une odeur âcre légèrement piquante. C’est un gaz anesthésiant utilisé couramment en médecine vétérinaire. Il est peut-être utilisé en induction d’anesthésie mais il est le plus souvent utilisé pour le maintien de l’anesthésie en association avec du protoxyde d’azote et/ou de l’oxygène.
Parce qu’il s’agit d’un gaz particulièrement volatil, l’exposition à l’isoflurane se fait principalement par voie respiratoire. Étant un gaz anesthésiant, l’exposition à une forte concentration d’isoflurane aura un effet narcotique et pourra entraîner une perte de conscience. Sous sa forme liquide, l’isoflurane est irritant et corrosif au contact de la peau et des muqueuses. En situation professionnelle, l’exposition répétée à l’isoflurane peut induire chez les intervenants vétérinaires divers effets sur la santé : fatigue, temps de réaction diminué, maux de tête et hypotension. Cette substance halogénée traverse le placenta. Et certaines études mettent également en avant quelques cas d’hépatites toxiques dues à l’exposition à l’isoflurane en milieu professionnel.
Il n’existe pas de limites d’exposition réglementaires en France concernant l’isoflurane cependant le NIOSH (National Institute for Occupational Safety & Health, agence fédérale américain dédiée à la sécurité et à la santé des travailleurs) recommande une valeur inférieure à 2 ppm (ou 15 mg/m3) dans l’air ambiant pour garantir la sécurité des intervenants en présence de gaz et substances volatiles anesthésiques. La Finlande, l’Allemagne, la Suisse et la Suède fixent la VLEP (valeur limite d’exposition professionnelle sur 8 heures) à 10 ppm pour l’isoflurane.
Les dangers des gaz anesthésiants
Outre l’isoflurane, les différents gaz anesthésiants utilisés par les vétérinaires sont le protoxyde d’azote (gaz hilarant N2O), l’halothane, l’enflurane, le methoxyflurane, le sévoflurane, le desflurane et le xénon.
À l’instar de l’isoflurane, les gaz anesthésiants utilisés par les vétérinaires ainsi qu’en milieu médical opératoire classique, peuvent entraîner des effets indésirables sur la santé. L’exposition à ces gaz anesthésiques résiduels peut, de la même manière que l’isoflurane, entraîner des effets néfastes sur la santé chez les intervenants en bloc opératoire ou lors de manipulations du produit.
Certaines études observent une corrélation entre une exposition professionnelle chronique aux gaz anesthésiants et une apparition d’effets sur la santé. Au-delà des symptômes anesthésiques (somnolence, vertiges, perte de conscience) provoqués par une exposition à une concentration importante de gaz anesthésiant provoquée par une fuite de l’appareil d’anesthésie gazeuse ou par un déversement de gaz sous forme liquide, ces éléments chimiques peuvent occasionner d’autres dangers. En effet, les personnels exposés à ces gaz de manière prolongée ou de manière chronique, peuvent en fonction de la concentration dans l’air, être sujets à divers impacts physiologiques : céphalées, vertiges, fatigue, diminution des performances psychomotrices, affections rénales et hépatiques chroniques, ou encore atteinte du système reproductif.
Protection respiratoire pour les praticiens et intervenants en anesthésie vétérinaire
La présence de concentrations d’isoflurane et de gaz anesthésiant dans l’air ambiant lors d’une anesthésie vétérinaire, ou dans un local d’entreposage des équipements, constitue un danger qui nécessite des mesures de protection.
Éliminer les risques d’exposition aux gaz anesthésiants
Les premières mesures de protection face aux risques d’exposition aux gaz anesthésiants résident d’abord dans une bonne utilisation et un bon entretien de l’appareil d’anesthésie gazeuse et du circuit d’évacuation des gaz afin d’éviter tout accident entraînant une fuite.
La ventilation du bloc opératoire constitue également un ressort important pour la protection des intervenants. En France, le Ministère de la Santé impose la présence de dispositifs de ventilation en salle d’opération pour conserver la qualité de l’air ambiant à moins de 2 ppm de gaz anesthésiques halogénés et de moins de 25 ppm pour le protoxyde d’azote.
En parallèle l’entreposage des gaz utilisés doit être fait en respectant les consignes de sécurité et les préconisations des fabricants. La mise en place et le bon suivi de protocoles intégrant la dangerosité des anesthésiants pour le personnel permettent de minimiser les risques liés aux gaz anesthésiques résiduels.
Les salles d’opération peuvent également être équipées de détecteurs de gaz anesthésiques, il s’agit d’un moniteur photoacoustique infrarouge dédié à la mesure de ces gaz et substances volatiles.
Le masque de protection respiratoire contre l’isoflurane et les gaz anesthésiques
La contamination de l’air ambiant par des agents anesthésiants gazeux et volatils représente un danger difficilement appréciable en fonction de la configuration de l’exposition, du temps d’exposition, de la ventilation disponible et de la concentration des gaz.
Diverses recommandations peuvent être appliquées concernant l’utilisation d’un masque de protection respiratoire contre les gaz anesthésiques résiduels et notamment les concentrations d’isoflurane présents en bloc opératoire vétérinaire. Au Canada par exemple, la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail) préconise le port d’un appareil respiratoire isolant (ARI) ou l’utilisation d’un système à adduction d’air beaucoup plus pratique. Le masque à adduction d’air apporte une source d’air via un circuit d’air respirable complètement indépendant du milieu dans lequel il se trouve.
Certains fabricants de matériel médical et de protection respiratoire comme notre partenaire Dräger préconisent l’utilisation d’un masque à gaz muni de filtres de classe AX-P3. Le port d’un masque à gaz est une solution beaucoup moins contraignante que les systèmes à adduction d’air et le plus couramment plébiscité présente toutefois un risque d’intoxication en présence de très fortes concentrations de gaz anesthésiants.